Rémi et Nicolas sont deux adolescents qui profitent des plaisirs de la vie. Etant donné leur jeune âge, que peut-on leur reprocher ? La situation n'est pas bien rigolote dans le village. Il a fait froid tout l'hiver, le début du printemps a été calamiteux, l'été s'annonce plus prometteur. Les deux copains ne sont pas les pires garnements du village, loin s'en faut, mais toutes les situations étaient propices à une bêtise. Cependant, au cours de cette énième escapade bucolique, ce sont eux qui furent les dindons de la farce !

Au détour d'un chemin de terre, les deux compères aperçurent un énorme pommier dont les branches pliaient sous les fruits. Des fruits énormes et juteux qui ne demandaient qu'à être cueillis. Le problème majeur qui se présentait à eux se nommait Zorro ! Pas le gentil vengeur masqué juché sur son cheval noir, non, ce Zorro-là avait quatre pattes, un poids avoisinant les deux tonnes et, surplombant sa tête, une magnifique paire de cornes. De plus, l'anneau qui se situait dans ses naseaux ne lui conférait nullement un air sympathique mais avait plutôt l'air d'un avertissement pour les imprudents qui oseraient franchir la barrière ceinturant son territoire. Les deux compères n'en pouvaient plus devant ses fruits magnifiques.

R : « Rémi, t'as vu les grosses pommes ! »
N : « heu…, ce que j'ai bien vu, c'est surtout Zorro ».

Contournant l'enclos, les garnements essayaient de trouver la faille qui leur permettrait de goûter aux magnifiques fruits tellement tentants.

N : « Rien à faire, le bestiau ne nous laissera rentrer dans la pâture ! »
R : « t'as raison Nico, il faut faire une croix dessus, on ne pourra pas ! »

Ce que les deux ados n'avaient pas vu, c'est Fernand, heureux propriétaire du fameux Zorro. En les entendant approcher, Fernand se cacha dans un buisson pour observer les apprentis maraudeurs.

F : « Ha, ils en veulent à mes pommes, sont pas prêts d'oublier la leçon ! »

La tentative des enfants se répéta souvent dans la semaine. Plusieurs approches furent envisagées pour arriver à leur fin. Tous les scénarios buttaient indubitablement sur le fameux Zorro !

N : « Il va vraiment nous gâcher notre récolte ce taureau »
R : « oui, t'as raison Nico, mais on ne va pas se laisser faire, on reviendra tous les jours s'il le faut ! »

A chaque passage des garçons, les fruits devenaient de plus en plus tentants, de plus en plus énormes, de plus en plus juteux. Mais à chaque passage, toujours la présence de Zorro !

R : « Pourquoi il est pas gentil comme à la télé ? »
N : « C'est sûr Rémi, on n'a pas de chance ! »

La fin de l'été se profilait, et le défi que les deux gourmands s'étaient fixés était loin d'être réalisé. Pourtant, au cours de leur énième tentative, une perspective de réussite se profila à l'horizon. Pas de Zorro en vue, l'occasion était trop belle ! La pensée d'un festin se matérialisa dans la tête des deux ados.

R : « C'est notre jour de chance Nico, y'a pas le taureau, on y va »
N : « pour sûr Rémi, on va s'en mettre jusque là ! »

La barrière fût vite enjambée et l'escalade dans l'arbre, un jeu d'enfant ! Ils n'avaient pas assez de leurs deux mains pour décrocher les pommes juteuses à souhait.

N : « Hum, que c'est bon ! »
R : « oh que oui, on a bien fait de s'acharner mon Nico ! »

Ce que les deux gourmands n'avaient pas prévu, c'est que Fernand leur avait tendu une embuscade. Profitant que les enfants ne savaient plus où donner de la tête pour satisfaire leur appétit, il transféra Zorro, paisiblement parqué dans la pâture voisine. C'est à croire que le taureau était de connivence avec son propriétaire pour jouer un tour aux jeunes maraudeurs. Il pénétra sans bruit dans son parc et se plaça tranquillement sous l'arbre. Le ventre rebondi et bien rempli de fruits, Rémi et Nicolas décidèrent de regagner leur maison. Amorçant la descente, Nico fût surpris d'entendre un souffle nasal, suivit d'un raclement de terre.

N : « Rémi, vise le bestiau, Zorro est de retour ! »
R : « mais il n'était pas là toute à l'heure, comment il est rentré ? »

Il leur fallut attendre la nuit pour que le fameux Zorro daigne libérer un passage, et permettre leur fuite. Jamais ils n'eurent d'explication, pourtant, tout le village fût au courant de leur exploit. Fernand ne s'était pas fait prier pour colporter la mésaventure des deux gourmands.

La gourmandise est un défaut ? Non !
Que celui qui n'a jamais maraudé quelques fruits dans sa jeunesse me jette la première pomme !